IMMUNOCHIMIE - Immunocytologie

IMMUNOCHIMIE - Immunocytologie
IMMUNOCHIMIE - Immunocytologie

Les cellules sont composées de myriades de constituants chimiques qui ne peuvent être révélés, même avec les plus puissants microscopes optiques ou électroniques. Au cours de ces vingt dernières années, l’analyse de ces constituants cellulaires a débuté grâce à l’emploi d’anticorps qui peuvent révéler, d’une façon extrêmement spécifique, de très faibles quantités de molécules. Du fait que l’on sait maintenant produire des anticorps contre pratiquement n’importe quel constituant cellulaire, on peut les localiser en microscopie optique ou électronique par le biais des méthodes immunocytologiques. Ces techniques combinent l’emploi de procédés cytologiques avec des réactions immunologiques. Grâce à l’extrême spécificité de la réaction antigène-anticorps les techniques immunocytologiques peuvent être pratiquement appliquées à la totalité des domaines de la biologie. Aussi, plutôt que de choisir un domaine particulier de la biologie, il nous a semblé préférable de décrire ici les bases des techniques immunocytologiques.

1. Principe de la méthode immunocytologique

Les techniques immunocytologiques se fondent sur l’utilisation d’un anticorps couplé avec un marqueur, visible par l’intermédiaire du microscope optique ou électronique. Pour localiser un constituant, la préparation cellulaire est incubée avec un anticorps marqué, spécifique de ce constituant. Après réaction de cet anticorps marqué sur le constituant cellulaire correspondant, l’excès de réactif est éliminé par lavages, et le marqueur, associé par l’intermédiaire de l’anticorps au constituant cellulaire, est mis en évidence en microscopie optique ou électronique à l’aide d’un procédé approprié. À partir de ce procédé, décrit pour la première fois par Coons en 1942 et appelé «méthode directe», plusieurs variantes ont été développées. L’une des plus utilisées est la méthode indirecte dans laquelle les sections tissulaires sont incubées avec un antisérum préparé dans l’espèce A, spécifique de l’antigène tissulaire que l’on étudie; le tissu est alors lavé et incubé avec un anticorps marqué, préparé dans l’espèce B et dirigé contre les immunoglobulines de l’espèce A. Les marqueurs les plus souvent utilisés sont les fluorochromes, les radioéléments, la ferritine, l’or colloïdal et les enzymes ; dans certains cas, des métaux lourds, des billes de plastique de taille définie, des virus et l’hémocyanine ont pu être utilisés pour marquer les anticorps.

Les anticorps marqués avec la fluorescéine sont utilisés pour détecter des constituants cellulaires au niveau du microscope optique alors que la ferritine est utilisée en microscopie électronique. Les anticorps marqués avec des radioéléments, de l’or colloïdal ou des enzymes peuvent être utilisés aussi bien en microscopie optique qu’électronique. Il existe certains traits communs à toutes les méthodes immunocytologiques et d’autres qui sont particuliers à chacune d’entre elles. Avant de décrire ces techniques, nous résumerons leurs traits communs.

2. Caractéristiques communes à toutes les techniques immunocytologiques

Réactifs immunologiques

Dans toutes les méthodes immunocytologiques, les meilleurs résultats sont obtenus avec des anticorps marqués, obtenus à partir d’antisérums provenant d’animaux hyperimmunisés. Ces antisérums contiennent généralement des titres élevés en anticorps, et possèdent une très grande affinité pour l’antigène correspondant. Une fois l’immunosérum obtenu, sa spécificité doit être testée rigoureusement. Si l’on observe des anticorps indésirables, ces derniers doivent être éliminés par des adsorptions appropiées. Pour éviter la formation de complexes solubles antigène-anticorps qui donnent des réactions faussement positives, il est préférable de procéder à ces adsorptions à l’aide d’immunoadsorbants, c’est-à-dire avec des antigènes immobilisés sur un support insoluble dans l’eau.

Les anticorps à marquer sont soit des fractions IgG provenant d’antisérums, soit des anticorps purifiés d’une façon spécifique. La préparation des fractions IgG est faite par des procédés de relargage salin suivis d’une chromatographie sur échangeurs d’ions. Bien que de bons résultats soient obtenus avec des IgG immunes marquées, il est préférable d’utiliser des anticorps purifiés qui donnent des résultats beaucoup plus reproductibles. Par ailleurs, la coloration non spécifique est, à leur niveau, beaucoup moins prononcée. Des immunoadsorbants sont utilisés pour préparer des anticorps purifiés.

En général, le marqueur est couplé avec l’anticorps à l’aide d’une réaction chimique appropriée. Une telle réaction, tout en permettant la préparation d’une quantité élevée d’anticorps marqué, doit préserver l’activité de l’anticorps et les propriétés du marqueur. Plusieurs techniques de couplage ont été décrites: elles suivent deux voies principales. Selon la première, des groupements fonctionnels sont d’abord introduits dans le marqueur, et on laisse ensuite l’anticorps réagir avec ce dérivé actif. Selon la seconde, le marqueur et l’anticorps sont mélangés et liés par l’intermédiaire de réactifs multifonctionnels.

La capacité de l’anticorps marqué à détecter l’antigène est évaluée en utilisant une préparation cellulaire que l’on sait contenir cet antigène et, par comparaison, avec un conjugué préalablement étudié, et dont on sait qu’il donne une réaction positive dans les mêmes conditions.

Préparations cellulaires

Les méthodes immunocytologiques étant utilisées pour la localisation des antigènes des tissus, il est évident que la qualité de la préparation tissulaire est d’une importance primordiale. Le tissu contenant l’antigène doit être traité d’une façon telle que sa morphologie soit acceptable, que la diffusion de constituants cellulaires soit évitée et que les déterminants antigéniques soient préservés. La méthode choisie pour traiter la préparation cellulaire dépendra aussi bien des caractéristiques de l’antigène étudié que de la localisation de l’antigène à la surface ou à l’intérieur de la cellule. La détection des antigènes de surface présents sur les membranes de cellules peut être effectuée sur des cellules vivantes en les incubant simplement avec l’anticorps marqué. La détection d’un antigène intracellulaire exige que l’antigène soit accessible à l’anticorps marqué; ceci peut se faire soit en sectionnant la cellule, soit en endommageant la membrane par fixation ou séchage.

En microscopie optique, la localisation des antigènes à l’aide de procédés immunocytologiques variés a pu être effectuée principalement sur des sections de tissus congelés, sur des frottis de cellules ou sur des empreintes. Ces préparations cellulaires sont utilisées après dessication sans aucune fixation préalable, ou bien elles sont utilisées après une fixation appropriée.

Pour des études immunocytologiques en microscopie électronique, on doit concilier une préservation satisfaisante des tissus et une bonne réaction immunologique. De telles préservations de l’ultrastructure cellulaire sont obtenues lorsque des fixateurs aldéhyliques comme, par exemple, le formaldéhyde et le glutaraldéhyde sont utilisés. Ces fixateurs, en induisant la formation de pontages intermoléculaires (particulièrement le glutaraldéhyde), peuvent empêcher les anticorps d’accéder aux antigènes intracellulaires. À l’heure actuelle, le procédé de fixation qui donne les résultats les plus satisfaisants consiste à fixer les cellules avec une faible concentration de glutaraldéhyde et en présence d’un détergent doux qui perméabilise les membranes.

Contrôle de la spécificité du marquage

Avec toutes les techniques immunocytologiques, il est extrêmement difficile d’éviter complètement une coloration non spécifique. Il est donc essentiel de procéder à des contrôles pour pouvoir différencier sans ambiguïté une réaction spécifique immunologique et une coloration non spécifique:

– l’anticorps marqué est absorbé avec son antigène homologue; dans ce cas, aucun marquage spécifique ne doit subsister sur les tissus;

– la préparation cellulaire est traitée avec l’anticorps spécifique non marqué, puis avec l’anticorps marqué: ceci doit réduire notablement la coloration spécifique;

– la préparation cellulaire est incubée avec un anticorps marqué, sans rapport avec l’antigène recherché; dans ce cas, seule la coloration non spécifique est visible.

3. Les diverses techniques immunocytologiques

L’immunofluorescence

En immunofluorescence, les antigènes sont détectés en utilisant des anticorps marqués avec des fluorochromes. Lorsque les fluorochromes sont illuminés par un rayonnement de courte longueur d’onde, ils émettent un rayonnement lumineux de longueur d’onde plus grande et visible avec un microscope approprié. La fluorescéine et la rhodamine sont les deux fluorochromes les plus utilisés. La fluorescéine émet dans le jaune-vert et la rhodamine dans le rouge des longueurs d’onde du spectre visible. Les structures cellulaires ayant fixé ces anticorps fluorescents sont ainsi détectables et ont l’aspect de taches brillantes, colorées en vert ou rouge, le fond de la préparation étant noir. L’utilisation de la fluorescéine et de la rhodamine permet d’avoir une double coloration sur une même préparation cellulaire, mais aussi sur une même cellule.

L’immunofluorescence (fig. 1) est une technique très sensible. Une très petite quantité d’antigène est suffisante pour donner une réaction positive. Ainsi, 0,8 憐 10-4g/mm2 = de polysaccharides capsulaires du pneumocoque peuvent être détectés grâce à cette technique. De toutes les méthodes immunocytologiques, l’immunofluorescence est certainement la plus couramment utilisée; elle a grandement contribué à nos connaissances actuelles dans divers domaines de la biologie. Si on la compare aux autres méthodes immunocytologiques, l’immunofluorescence est certainement la plus simple et la plus rapide. Sa seule limitation réside dans le fait qu’elle ne peut pas être utilisée dans des études ultrastructurales.

L’immunoferritine

La technique de l’immunoferritine est appliquée pour la localisation des antigènes à l’aide du microscope électronique. La ferritine est une molécule protéique de haut poids moléculaire (700 000) qui contient 23 p. 100 de fer concentré au centre de la molécule. Ceci rend la ferritine dense aux électrons et permet la visualisation des anticorps marqués en microscopie électronique. Cette technique a été utilisée avec succès pour la localisation des ultrastructures de la membrane ou des antigènes de surface. Bien qu’avec cette technique, des résultats positifs aient été obtenus pour la détection intracellulaire des antigènes, l’utilisation des anticorps marqués à la ferritine pour une telle localisation est limitée du fait de la faible pénétration de ces conjugués, de haut poids moléculaire, à l’intérieur des cellules fixées.

Comparée aux autres techniques immunocytologiques ultrastructurales, l’immunoferritine permet une localisation relativement précise des antigènes tissulaires et peut, du moins en principe, permettre leur évaluation quantitative. En effet, il est possible de compter le nombre de grains de ferritine associés aux structures cellulaires. L’immunoferritine ne peut être employée qu’au microscope électronique (fig. 2).

L’or colloïdal

L’or colloïdal a été de plus en plus utilisé, à partir de la fin des années 1980, à la place de la ferritine pour la localisation des constituants cellulaires en microscopie électronique (fig. 3). L’or, comme la ferritine, est opaque aux électrons. Il est possible d’utiliser ce marqueur pour la localisation ultrastructurale simultanée d’au moins deux antigènes, car on peut en préparer des formes sphériques de taille variable (de 3 à 100 nm). Cependant, la taille élevée des particules d’or limite la diffusion des anticorps marqués à travers les tissus, ce qui amoindrit leur sensibilité de détection. Pour pallier ce manque relatif de sensibilité, divers procédés fondés sur des réactions catalytiques induites par des sels d’argent ont été développés. Ces réactions sont utilisées (bien que peu couramment) pour la détection des antigènes cellulaires en microscopie optique, mais restent difficiles à contrôler à l’échelle de la microscopie électronique. Les principaux avantages de l’or colloïdal, par rapport aux autres techniques immunocytologiques ultrastructurales, sont son contraste et sa qualité de marqueur particulaire, ce qui permet une localisation précise des constituants cellulaires.

L’immunoautoradiographie

Dans l’immunoautoradiographie (fig. 4), les marqueurs utilisés sont des radioéléments tels que le tritium 3H et l’iode 125I. Les anticorps marqués à l’iode 125I sont le plus souvent employés. On laisse réagir ces anticorps avec les antigènes cellulaires; puis les cellules ou les coupes de tissus sont recouvertes d’une émulsion photographique, et après un certain temps d’exposition, les autoradiogrammes sont développés. L’immunoautoradiographie est une méthode très sensible qui permet une estimation quantitative des antigènes cellulaires. Ces estimations, qui étaient auparavant très longues à réaliser, en particulier au niveau ultrastructural, sont actuellement grandement facilitées par l’emploi de microordinateurs. L’immunoautoradiographie est une méthode très sensible qui a été adaptée efficacement aux problèmes spéciaux que pose la microscopie. Cependant la faible résolution du microscope optique, associée à une résolution à peine satisfaisante inhérente à l’autoradiographie rend très difficile l’emploi de cette méthode pour la localisation précise des antigènes au microscope optique. Au microscope électronique en revanche, les anticorps marqués avec l’125I permettent une résolution de l’ordre de 60 à 100 nm. De ce fait, ils ont été utilisés avec succès dans des études immunocytologiques variées. L’immunoautoradiographie peut être combinée avec l’immunoenzymologie, comme nous allons le voir pour mettre en évidence deux antigènes différents dans une même préparation cellulaire.

L’immunoenzymologie

Les enzymes sont les marqueurs utilisés dans cette méthode. Ils sont mis en évidence en microscopie optique ou électronique par des procédés cytochimiques, qui font appel à des substrats spécifiques de chaque enzyme, dont le produit final est insoluble et coloré (en vue de la microscopie optique) ou dense aux électrons (dans le cas de la microscopie électronique).

Les anticorps conjugués avec la peroxydase, la phosphatase alcaline ou la glucose oxydase peuvent être employés pour la localisation des antigènes en microscopie optique ou électronique. Actuellement, la peroxydase est l’enzyme de choix puisque sa coloration cytochimique est la plus simple tant en microscopie optique qu’en microscopie électronique, tout en permettant une localisation très précise. D’autre part, comparée aux autres enzymes, la peroxydase est celle qui possède le poids moléculaire le plus faible (40 000); de ce fait, les conjugués des anticorps avec cet enzyme pénètrent plus facilement à l’intérieur des cellules fixées. Certaines variantes de cette technique ont été développées. Ces procédés sont fondés sur l’emploi d’immunocomplexes solubles réunissant enzyme et anticorps-anti-enzyme, technique connue comme PAP (peroxydase-anti-peroxydase), ou sur l’emploi du système avidine-biotine, technique connue comme ABC (avidine-biotine-complexe).

Au niveau du microscope optique (fig. 5, à gauche), la technique ou ses variantes ont été appliquées avec succès dans des études immunocytologiques variées. Du fait qu’il existe des procédés cytochimiques applicables avec des enzymes différents, donnant donc lieu à des colorations différentes, il est possible d’utiliser des anticorps marqués avec plusieurs enzymes afin de mettre en évidence deux antigènes différents dans une même préparation cellulaire. Des procédés combinant à la fois l’immunoautoradiographie et l’immunofluorescence et l’immunoenzymologie peuvent aussi être utilisés pour la détection de deux antigènes différents.

Des résultats satisfaisants et fidèles sont obtenus lorsque les techniques immunoenzymatiques sont employées à la localisation des antigènes au moyen du microscope électronique (fig. 5, à droite). La comparaison entre l’immunofluorescence et l’immunoenzymologie montre que ces deux techniques ont des sensibilités équivalentes. L’immunoenzymologie a sur l’immunofluorescence l’avantage de n’utiliser qu’un simple microscope optique et d’aboutir à des colorations cytochimiques permanentes. Les principaux avantages de l’immunofluorescence sur l’immunoenzymologie sont sa rapidité, la possibilité de son emploi avec des cellules vivantes, une meilleure information lors de la mise en évidence de deux antigènes différents dans la même préparation cellulaire. La comparaison entre l’immunoferritine et l’immunoenzymologie montre que la technique des anticorps marqués à la peroxydase est plus sensible que celle des anticorps marqués à la ferritine mais, en revanche, avec l’immunoenzymologie, il existe une possibilité d’artefacts due à la diffusion des produits de la réaction enzymatique, ce qui n’est pas le cas si on utilise l’immunoferritine.

Les anticorps marqués aux enzymes peuvent être utilisés pour mesurer les antigènes de cellules, du fait de la possibilité de déterminer précisément la quantité d’un enzyme en utilisant un substrat (donnant un produit soluble) que l’on peut doser au spectrophotomètre. Ainsi, le principal avantage de l’immunoenzymologie est qu’elle permet, avec le même réactif, d’effectuer à la fois des observations précises en microscopie optique et électronique et des études quantitatives.

Autres techniques immunocytologiques

Une méthode n’utilisant pas de conjugués covalents entre un anticorps et un marqueur est celle dite «des anticorps hybrides». Elle consiste à préparer des molécules d’anticorps possédant deux spécificités différentes, l’une dirigée contre l’antigène étudié, l’autre dirigée contre les molécules identifiables comme la ferritine, les virus, et autres... Les anticorps natifs dirigés contre l’antigène et ceux dirigés contre le marqueur sont mélangés, réduits puis remis dans des conditions oxydantes. Des molécules hybrides sont alors formées que l’on peut isoler par filtration sur immunoadsorbants.

D’autres marqueurs ont été plus rarement utilisés. On peut citer les métaux lourds comme l’uranium, des molécules de forme caractéristique comme l’hémocyanine, certains virus, les billes de latex acrylique. Les conjugués préparés avec ces marqueurs ne sont utilisables qu’au niveau ultrastructural.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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